Interview Clarisse x Envie de Plus
En 2024, Paris a rendez-vous avec l’Histoire et accueillera les Jeux Olympiques (du 26 juillet au 15 août) et Paralympiques (du 28 août au 8 septembre). Nous voulions vous donner un avant-goût de cet événement exceptionnel et pour l’occasion, nous avons rencontré Clarisse Agbégnénou, championne du monde de judo et double médaillée Olympique à Tokyo, et partenaire Envie de Plus. Entre ses combats sur le tatami et dans la vie, Envie de Plus vous invite à découvrir son portrait.
Pouvez-vous nous expliquer la journée typique d’une double médaillée olympique ?
Clarisse Agbégnénou: Je vais à l’entraînement une fois par jour, parfois deux. Après j’ai des appels à passer - que ce soit des sponsors ou des médias - ensuite, je vais manger : très important [rires] ! L’après-midi, je m’octroie soit du repos, soit une séance d'entraînement un peu moins physique ou alors du yoga. Maintenant j’essaye de me reposer parce que j’ai plein de choses à organiser [ndlr : Clarisse est enceinte], donc soit du rangement, soit un peu de tout. Je suis toujours en mouvement, je n’ai quasiment pas de pause. Si ça peut rentrer dans mon planning, j’essaye de prendre soin de moi aussi, c’est un peu moins fréquent, mais ça arrive !
Que représentent pour vous les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ?
Clarisse Agbégnénou: Je pense que ça va être des Jeux magiques, un peu comme le slogan, “Paris est magique” ! Parce que Paris est réellement une belle ville ! Il fera beau, il fera chaud… il y aura beaucoup de monde qui recherchera cette ambiance à la parisienne avec tous les monuments… donc ça va être quelque chose de magnifique. Même si ça sera beau et magique, je resterai avant tout concentrée sur ma performance quoi qu’il arrive ! D’autant plus qu’en tant que française, au-delà de tout ce qui sera visuel, nous savons être performants.
En tant que femme athlète, quels sont les obstacles que vous avez rencontrés au cours de votre carrière ? Comment les avez-vous surmontés ?
Clarisse Agbégnénou: Je dirais qu’il y en a eu plusieurs, à différentes étapes de ma vie.
Quand j’étais petite, c’était le fait de pratiquer un sport “masculin”, on me disait : “Tu fais un sport de garçon, tu aurais dû changer”. Puis une fois entrée dans l’adolescence, c’est être une femme dans un sport de combat, avoir un kimono blanc au début et donc avec les règles qui commencent , risquer de la salir, ce qui rajoute une peur supplémentaire.
En faisant un sport de combat qui est brutal, un peu, il y a les douleurs aussi au niveau de la poitrine ou au ventre qu’il faut arriver à supporter.
Plus tu grandis, plus tu as cet aspect où on te dit “Ah oui, tu fais ce sport, mais tu pourrais faire autre chose…” parce que tu es une femme de couleur, il y a ça aussi qui peut se passer à l’école.
Il y a aussi le côté “Comme tu es une femme, après tu devras faire un choix, tu n’y arriveras pas forcément”, ou bien les parents qui disent “Il faut faire des études aussi, c’est important d’allier les deux”.
Quand tu as un rêve, c’est difficile de tout combiner, même si tu essayes d’y parvenir ou de trouver des solutions. Quand tu rentres en haut niveau, ton objectif est vraiment de gagner des médailles, ton attention est focalisée vers un objectif clair.
Quand on devient adulte, tu as la société qui te décourage, on t’explique que tu dois encore faire des choix, plus encore quand tu arrives au niveau comme le mien. Et même si j’ai réussi et que j’ai plusieurs médailles, [on me dit] “pourquoi as-tu fais le choix de tomber enceinte, d’avoir un enfant, alors que t’aurais pu continuer jusqu’aux JO de Paris 2024 avant d’avoir ta vie de femme, ta vie de maman ?”.
Comment les avez-vous surmontés ? Grâce à votre mental, ou est-ce que quelque chose en particulier vous a fait surmonter toutes ces épreuves ?
Clarisse Agbégnénou: C’est vrai que je suis une personne qui a un bon caractère, mais je ne me laisse pas marcher dessus. Depuis toute petite, je disais à mes parents : “Je veux faire du judo, c’est comme ça, donc essayez de m’aider pour poursuivre ma passion !”.
Je disais à mes entraîneurs que je serai championne, et même à l’école : “ Moi je serai championne !” - de quoi ? De judo, ça je le savais, mais comment y arriver, ça je ne savais pas !
C’était vraiment un souhait de ma part, j’allais me battre pour atteindre cet objectif, me battre pour mes choix, me battre pour ce que je suis. J’ai un fort caractère qui me vient probablement du fait que je sois prématurée. Certainement à cause de ça, je me suis plus battue pour vivre. C’est une partie de moi qui est enfouie, je dis à chaque fois que c’est mon super-pouvoir.
Quels étaient vos modèles féminins de jeunesse (dans le sport ou autres) ? Et ceux d’aujourd’hui ?
Clarisse Agbégnénou: Au début, quand j’étais jeune, il y avait beaucoup moins de réseaux sociaux, de médias, donc pas vraiment de modèle, à part dire “Je veux être une femme forte comme ma maman”, et c’est ce que je pense toujours d’ailleurs. Et dans le sport, en grandissant je me suis identifiée à Serena Williams ! Elle a su gérer sa vie de femme en tant que sportive, elle s’est battue en tant que maman, pour sa vie entrepreunariale… Pour moi, c’est une personne très inspirante.
Quels sont les conseils que vous donneriez aux jeunes filles qui veulent se lancer ?
Clarisse Agbégnénou: Si c’est leur volonté, il faut vraiment que ce soit un souhait de leur part. Parce que si on est forcé, les envies sont très différentes.
Si elles ont le désir de le faire, alors qu’elles se battent et ne se laissent pas démonter ! Dans la vie, il y aura toujours des obstacles, il faut se dire que si ça me fait du bien dans ma vie et mon quotidien, je ne peux que prendre du plaisir. Sans plaisir, c’est très dur de se dépasser.